Transcription des droits de préférence, de préemption et d’option relatifs aux biens immobiliers: pertinence pour la pratique?

Les droits de préférence, de préemption et d’option sur les biens immobiliers sont régulièrement à l’origine de litiges en cas de vente (ultérieure) à un tiers. En effet, souvent se pose la question de savoir si l’acquéreur ultérieur du bien en question avait, pouvait ou aurait dû avoir connaissance de ces droits. Dans la pratique, le bénéficiaire du droit de préférence, de préemption ou d’option a souvent éprouvé des difficultés à faire valoir ses droits auprès de l’acquéreur.

Lors de la réforme du droit des biens, le législateur a choisi d’étendre le système de la publicité immobilière à ces droits: les droits de préférence, de préemption et d’option sur un droit réel immobilier, constitués à partir du 1er juillet 2022, peuvent être transcrits au bureau Sécurité juridique dans les registres des hypothèques.

La transcription d’un droit de préférence, de préemption ou d’option a d’importantes conséquences pratiques. Nous les résumons ci-après.

 

Droits de préférence, de préemption et d’option

Tout d’abord, nous expliquons les différences entre les termes droit de préférence, droit de préemption et droit d’option. Ces termes ne doivent pas être confondus.

  • Dans le cadre d’un droit de préférence, le propriétaire d’un bien s’engage à proposer le bien au bénéficiaire en premier et donc à négocier avec celui-ci en premier, lorsqu’il veut le vendre.
  • Dans le cas d’un droit de préemption, le propriétaire doit, lorsqu’il conclut un contrat de vente avec un tiers, offrir au bénéficiaire la possibilité d’acheter le bien en priorité au prix et aux conditions convenus dans le contrat de vente avec le tiers (ou à tout autre prix prévu dans les conditions du droit de préemption).
  • Une option d’achat est un accord en vertu duquel le candidat acheteur a la possibilité d’acheter le bien immobilier pendant une certaine période à des conditions prédéterminées. Le candidat vendeur ne peut vendre le bien au candidat acheteur que pendant cette période. Une fois que le candidat acheteur a levé l’option, la vente est définitive.

L’image inversée de l’option d’achat est l’option de vente.

Il est également possible de convenir une « option croisée« . Dans ce cas, le candidat vendeur accorde une option d’achat et le candidat acheteur une option de vente. Si le candidat acheteur ne lève pas l’option d’achat dans le délai convenu, le candidat vendeur a la possibilité de lever l’option de vente pendant une certaine période.

 

Opposabilité aux tiers

La transcription dans les registres des hypothèques rend ces droits, pour autant qu’ils aient été accordés à partir du 1er juillet 2022, opposables aux tiers. Cela signifie que les tiers sont réputés avoir connaissance du droit de préférence, de préemption ou d’option par le simple fait de la transcription. S’ils ne respectent pas le droit en question, ils se rendent coupables de tierce complicité à la violation du contrat. Leur mauvaise foi ne doit pas être prouvée in concreto.

Toutefois, si le droit de préférence, de préemption ou d’option n’a pas été transcrit, ce ne sont pas tous les tiers qui peuvent invoquer l’inopposabilité. Seuls les « tiers protégés » peuvent le faire, à savoir les tiers de bonne foi qui ont un droit concurrent sur le bien immobilier (et qui l’ont publié). Il s’agit, d’une part, des tiers ayant un droit réel sur le bien en question et, d’autre part, des créanciers poursuivant le bien qui seraient lésés par son transfert.

En d’autres termes, en transcrivant un droit de préférence, de préemption ou d’option, son bénéficiaire empêche les tiers d’acquérir de bonne foi un droit concurrent sur le même bien qui lui est opposable. Il les empêche également de publier les droits qu’ils ont acquis antérieurement mais qu’ils n’ont pas encore publiés dans les registres des hypothèques et de les rendre ainsi opposables.

Le bénéficiaire est ainsi protégé lorsque le propriétaire/vendeur vend le bien à un tiers au mépris du droit de préférence, de préemption ou d’option. En outre, la transcription offre également une plus grande protection en cas de concours avec d’autres créanciers, par exemple en cas de faillite ou de saisie.

Il est possible de vérifier s’il existe déjà un droit de préférence, de préemption ou d’option transcrit et donc opposable sur un bien immobilier spécifique en demandant un certificat hypothécaire auprès du bureau Sécurité juridique compétent.

Toutefois, la transcription d’un droit de préférence, de préemption ou d’option accordé avant le 1er juillet 2022 ne rend pas le droit en question opposable aux tiers.

Sous l’ancien régime du droit des biens, la transcription d’un droit de préférence, de préemption ou d’option (dans la mesure où elle était acceptée) n’avait qu’un effet informatif. La mauvaise foi effective d’un tiers acquéreur doit donc encore être démontrée pour établir sa tierce complicité à la violation du contrat. Cela signifie que le tiers avait ou aurait dû avoir connaissance de facto de l’existence du droit de préférence, de préemption ou d’option. La transcription dans les registres des hypothèques est toutefois un élément qui peut entrer en jeu dans l’appréciation in concreto de la mauvaise foi du tiers.

 

Exigence d’un acte authentique

Si vous souhaitez transcrire votre droit de préférence, de préemption ou d’option dans les registres des hypothèques, ce droit doit être formalisé dans un acte authentique (par exemple un acte notarié). En effet, seuls les actes authentiques peuvent être proposés à la transcription.

 

Sanctions en cas de non-respect d’un droit de préférence, de préemption ou d’option

Le droit des obligations modernisé, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2023, a modifié les sanctions dont dispose le titulaire d’un droit de préférence, de préemption ou d’option en cas de non-respect de ce droit.

Si un tiers méconnaît un droit de préférence, de préemption ou d’option transcrit, qui a été accordé entre le 1er juillet 2022 et le 1er janvier 2023, les sanctions prévues par l’ancien droit des obligations pour la tierce complicité à la violation du contrat s’appliquent. Le titulaire du droit de préférence, de préemption ou d’option peut demander la nullité du contrat entre le vendeur et le tiers à titre de réparation en nature. L’action en substitution du tiers acquéreur est également possible dans un certain nombre de cas définis par la loi, par exemple en cas de méconnaissance du droit de préemption du locataire à ferme.

Lorsqu’un tiers ne respecte pas un droit de préférence, de préemption ou d’option transcrit et attribué après le 1er janvier 2023, le bénéficiaire du droit peut, par application de l’article 5.26 du code civil, réclamer aux frais du tiers acquéreur soit la réparation du préjudice subi, soit la non-opposabilité du contrat de vente entre le vendeur et le tiers, soit la substitution.

En cas de non-opposabilité de la vente au tiers, la vente est sans effet à l’égard du titulaire du droit de préférence, de préemption ou d’option. Toutefois, la vente reste valable entre le vendeur et le tiers, contrairement à ce qui est le cas en cas de nullité. En cas d’éviction par le titulaire du droit de préférence, de préemption ou d’option, le tiers acquéreur peut contractuellement réclamer des dommages-intérêts au vendeur. Dans le cas de la nullité, cela est plus difficile.

La substitution est le droit du titulaire du droit de préférence, de préemption ou d’option de se substituer au tiers acquéreur au prix et aux conditions convenus entre le tiers et le vendeur.

La demande d’inopposabilité et la demande de substitution doivent être mentionnées en marge dans les registres des hypothèques (article 3.33 du code civil).

Ces sanctions s’appliquent également si le droit de préférence, de préemption ou d’option n’a pas été transcrit (ou a été transcrit mais attribué avant le 1er juillet 2022), mais que la mauvaise foi du tiers acquéreur peut être prouvée. Toutefois, si le tiers acquéreur est de bonne foi, le titulaire du droit de préférence, de préemption ou d’option dans cette hypothèse ne dispose contre le vendeur que d’une action en dommages-intérêts de substitution.

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