Savez-vous quel est le droit qui s’applique aux contrats d’achat internationaux de votre entreprise?

La réponse à cette question semble, à première vue, évidente, mais c’est loin d’être le cas.

Dans ce domaine, il convient d’être particulièrement vigilant et d’avoir une évaluation juridique correcte.

Lors d’une vente internationale, un acheteur ou un vendeur belge ne peut partir automatiquement du principe que le droit belge est applicable. Il est tout aussi probable que le droit de l’État où l’autre partie est installée s’applique ou même le droit d’un autre pays «tiers».

Les parties ont une grande liberté dans le choix du droit applicable. Dans la pratique, ce choix n’est pas toujours simple. La position lors de la négociation, les relations commerciales, la localisation des parties, le lieu de livraison, etc. ont tous un impact.

C’est la raison pour laquelle vous devez pouvoir prendre la bonne décision à la table des négociations. Déclarer un autre droit applicable en dernière minute sans avoir évalué les conséquences potentielles peut vite s’avérer vous revenir comme un boomerang.

Nous donnons ci-après quelques conseils et considérations de base qui vous conduiront au droit qui encadrera vos droits et obligations en tant qu’acheteur ou vendeur dans le cadre d’une vente internationale.

1. Généralités

Dans les contrats internationaux, vous devez en principe en premier lieu savoir quel droit sera le droit qui s’applique à votre contrat. Le droit international privé (DIP) est la partie du droit qui indique le chemin vers le droit applicable, comme une sorte de contrôleur de trafic ou de GPS. Pour ce faire, il utilise ce que nous appelons des règles de renvoi. Il s’agit de règles qui désignent simplement le droit applicable en utilisant des facteurs de rattachement tels que le domicile, le lieu d’exécution, le choix de la loi, etc.  Elles ne déterminent donc pas de manière substantielle la manière dont une situation doit être réglementée.

 

Droit des ventes internationales uniforme – Convention de Vienne sur les ventes (CVIM)

Généralités

Les contrats de vente occupent une place unique dans le droit international des contrats. La vente de biens meubles est l’un des rares contrats pour lesquels il existe des règles uniformes déterminant le contenu des droits et obligations des parties dans une vente internationale. Lorsqu’un tel instrument existe, vous ne devez pas nécessairement recourir au GPS du DIP, car des règles identiques peuvent être appliquées pour les deux parties. Cela facilite évidemment les échanges transfrontaliers, accroît la sécurité juridique et réduit les risques.

Ces règles sont contenues dans la Convention de Vienne du 11 avril 1982, également connue sous son acronyme anglais CISG (Convention on the International Sale of Goods). Il s’agit d’un traité mondial auquel 97 États ont déjà adhéré, dont le Japon, la Chine et les États-Unis.

Par exemple, une vente commerciale entre une entreprise belge et une entreprise d’Austin au Texas, sera régie par cette loi uniforme sur les ventes.

En Europe, l’Irlande et Malte sont les grands absents et désormais également le Royaume-Uni. De nombreux pays africains n’ont, par exemple, pas non plus ratifié la convention.

La CVIM a eu beaucoup d’influence sur les autres systèmes juridiques et est considérée comme un outil efficace. Le texte du futur Droit belge de la vente (livre 7 du Code civil, donc le projet est revenu sur la table des négociations) s’inspirera fortement de cette convention.

Elle s’applique automatiquement aux ventes transfrontalières de biens meubles entre commerçants originaires d’États parties à la Convention.

Par exemple, dans un contrat de vente entre un acheteur belge et un vendeur allemand, la convention s’applique automatiquement et directement sans que les parties doivent insérer un choix dans leurs conditions contractuelles.

En outre, elle s’applique « indirectement » quand le DIP désigne le droit d’une partie à la convention comme droit applicable.

Par exemple, lorsqu’un vendeur belge conclut un contrat avec un vendeur britannique, la convention ne s’appliquera pas automatiquement, mais bien «indirectement» par un choix du droit en faveur du droit belge.

Il faut donc garder à l’esprit que, dans un droit de la vente internationale, ces règles uniformes peuvent «écraser» le droit belge, sans que les parties aient à intervenir.

 

Les règles uniformes s’appliquent-elles toujours?

Non. Ainsi, la convention ne s’applique pas aux achats des consommateurs, à l’achat de titres ou d’énergie électrique.

En outre, ces règles ne régissent pas tous les aspects de la vente. Les aspects comme l’absence d’accord, la représentation, la compétence, les conditions déloyales dans les contrats, les obligations en matière d’information précontractuelle, le droit de propriété et la prescription ne sont pas couverts. Les aspects les plus importants de la vente comme la formation du contrat et les droits et obligations de l’acheteur et du vendeur sont bien traités. Par conséquent, la Convention doit toujours être considérée en conjonction avec le droit national applicable désigné par les règles de référence du DIP.

La vigilance est donc de mise: réfléchissez bien à quel aspect de la vente vous allez discuter avec l’autre partie: certains aspects seront réglés par les règles uniformes, d’autres par le droit national de la vente qui a souvent un autre contenu.

Bien que l’application du droit uniforme offre pas mal d’avantages, déjà rien qu’au niveau de la prévisibilité du droit applicable, il est dans la pratique souvent partiellement ou totalement exclu dans les contrats. La convention prévoit la possibilité d’une exclusion partielle ou totale.

 

Droit applicable lorsque les règles uniformes de vente (CISG) ne s’appliquent pas ?

Pas de choix du droit

Quand le litige est porté devant un tribunal belge (ou un autre tribunal de l’UE), en l’absence de choix du droit, le droit de l’État où le vendeur est domicilié s’appliquera. Il convient de tenir compte du fait que ce droit constituera le cadre dans lequel les dispositions contractuelles pourront produire leurs effets (par exemple en matière d’interprétation, mais aussi pour les aspects non réglementés par les parties).

 

Choix du droit

Les parties sont libres de choisir le droit applicable sur leur contrat d’achat.

En principe, les parties peuvent choisir le droit de n’importe quel pays sans qu’un lien doive exister un lien avec le contrat ou les parties. Le droit d’un autre État membre de l’UE ou d’un État tiers peut parfaitement être choisi entre les parties basées dans l’UE.

Par exemple, dans un contrat entre un vendeur belge et un acheteur allemand, il peut être convenu que le droit chinois s’appliquera.

En outre, vous devez garder à l’esprit que même en cas d’application de la CVIM, le choix du droit reste pertinent. La CVIM règle en effet un nombre limité de sujets, de sorte que les aspects qui ne sont pas réglés par la CVIM doivent être évalués au regard du droit choisi.

 

2. Points à prendre en compte lors du choix du droit

Première question: l’exclusion de la CVIM?

De nombreux modèles disponibles excluent la CVIM (par exemple: «Le contrat, toute obligation non contractuelle découlant du contrat ou en rapport avec celui-ci, et tout litige découlant du contrat ou en rapport avec celui-ci, seront régis et interprétés conformément aux lois belges, à l’exclusion de la Convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises [CVIM]»).

Toutefois, cette clause d’exclusion n’a pas toujours l’effet escompté.

En fonction de votre position, cela pourrait créer de nouveaux risques imprévus. Il est donc bon de savoir si l’on a intérêt à exclure la CVIM ou non.

Le régime de réclamation en cas de livraison non conforme fait l’objet d’une réponse différente selon qu’il s’agit de l’application de la Convention ou de la législation belge. L’obligation de l’acheteur d’inspecter les marchandises en temps voulu et de manière adéquate au moment de la livraison, par exemple, est plus stricte en vertu des règles de la Convention et est donc favorable au vendeur.

En ce qui concerne les sanctions, la Convention offre plus de flexibilité à l’acheteur que le droit belge. Les deux régimes prévoient des sanctions presque identiques comme le droit de réparation ou de remplacement des marchandises, les dommages-intérêts, la réduction de prix ou la dissolution. Le régime de sanction du droit belge est également soumis à des règles au formalisme plus strict, ce qui donne moins de flexibilité à l’acheteur.

Dans le cadre de cette lettre d’information, nous ne nous étendrons pas sur les différences entre les deux régimes d’achat. N’hésitez pas à prendre contact avec nous si vous avez besoin de plus amples informations à ce sujet.

 

En cas d’exclusion de la CVIM

Indien de CISG op rechtsgeldige wijze wordt uitgesloten, geldt het gekozen recht, of bij gebreke hieraan, het recht van de vestigingsplaats van de verkoper.

 

3. Réflexions

1.Le droit belge est souvent choisi par la partie belge. Dans la pratique, un cocontractant potentiel d’un autre État insistera généralement pour que le droit de son pays de résidence soit appliqué. Il s’agit souvent d’un terrain inconnu et il faut éviter de se lancer sans se poser les questions nécessaires.

Comme solution, vous pourriez alors suggérer d’appliquer le droit d’un pays «neutre» (en ce sens qu’il n’y a aucun lien avec l’une des parties contractantes), par exemple le droit suisse ou allemand dans le cas de la vente d’un lot de fruits d’un vendeur belge à un acheteur français.

2. Assurez-vous d’avoir fait des recherches sur ces solutions de rechange au préalable afin de pouvoir évaluer leur impact. Il est conseillé de faire examiner à l’avance les modèles de contrats pertinents par un spécialiste du droit choisi, de manière à ce que les modèles soient prêts dans une version variante.

3.Dans la mesure du possible et pour autant qu’utile, adaptez également le lieu où les litiges seront réglés en fonction de ce choix du droit.

4.Avez-vous suffisamment réfléchi aux conséquences du choix d’un droit ou d’un autre?

    •  Premièrement, le droit choisi peut être plus avantageux pour une partie que pour une autre sur un point de droit particulier. Par exemple, l’obligation de notification d’une livraison non conforme lors de la vente peut être plus clémente pour l’acheteur dans un système juridique. Choisir ce droit est donc plus avantageux si vous assistez l’acheteur.
    • Gardez à l’esprit que vous choisissez d’appliquer l’intégralité du système juridique du droit choisi et cela peut inclure aussi des règles qui sont plus préjudiciables pour la partie que vous assistez (p. ex. des règles plus strictes en matière de clause pénale).
    • Si le droit choisi contient beaucoup de clauses de droit contraignantes (auxquelles il ne peut être dérogé), cela peut entraîner l’impossibilité d’appliquer (certaines parties du) du contrat.

Par exemple, dans de nombreuses conditions générales, il existe des clauses pénales, c’est-à-dire des clauses par lesquelles une personne s’engage, en cas d’inexécution du contrat, à payer une indemnité forfaitaire pour les dommages éventuellement subis.

En droit belge, ces clauses peuvent avoir un effet large et les tribunaux peuvent les modérer dans certaines limites. Il se peut que le droit choisi ne prévoie pas de tels pouvoirs d’atténuation ou impose d’autres conditions (par exemple, pas de pouvoir d’atténuation dans le cas de clauses de nature «punitive»).

Les règles de droit choisies peuvent également être «traversées» par des règles d’ordre public (par exemple, le droit de la concurrence) ou des règles de droit impératif spécial (règles de priorité ou lois de police). Le tribunal devra appliquer les règles particulièrement contraignantes de son propre droit. Ainsi, il est généralement admis que les tribunaux belges sont tenus d’appliquer les règles de la doctrine des clauses illégitimes dans le droit B2B, quel que soit le choix d’un droit étranger.

Le choix du droit applicable à un contrat de vente international n’est souvent pas une décision unique, mais nécessite un choix réfléchi, tenant compte des intérêts de toutes les parties concernées et des différences culturelles. Regarder au-delà des frontières juridiques, même dans nos pays voisins, nécessite une étude approfondie du fonctionnement du système juridique étranger.

N’hésitez pas à nous contacter pour des conseils. Notre équipe d’experts travaillant au sein d’un vaste réseau international d’avocats vous assistera.

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