La porte du travail est rarement totalement refermée: le travailleur peut encourir des sanctions professionnelles pour des actes commis dans la sphère privée

Le vendredi 31 mars, les médias ont relaté un spectaculaire accident de voiture survenu la veille. Le footballeur S.K. A traversé la façade d’une salle de sport à Liège avec sa voiture de société. Selon les médias, le joueur était en route vers son domicile à Liège après un entraînement à Louvain. L’employeur du joueur, le club de football OH Leuven, a fait comprendre dans une première réaction qu’il ne souhaitait pas encore s’exprimer sur d’éventuelles conséquences, mais qu’il voulait d’abord savoir ce qui s’était exactement passé. Le lundi 3 avril, le club de football a informé que le joueur était «suspendu» pendant une durée indéterminée.

En supposant que le centre d’entraînement du club est le lieu de travail permanent du joueur, le temps de déplacement entre le centre d’entraînement et le lieu de résidence doit être considéré comme du temps privé et, en d’autres termes, le joueur est sanctionné pour des infractions commises dans sa vie privée. Est-ce possible et jusqu’où s’étend le pouvoir de sanction de l’employeur?

1. Quand l’employeur peut-il imposer une sanction disciplinaire?

Il est généralement admis qu’il découle de la relation d’autorité entre l’employeur et le travailleur que l’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire dans l’entreprise. L’employeur peut imposer des sanctions si le travailleur fait une faute professionnelle. Cependant, la loi ne définit pas ce qui constitue une «faute professionnelle». En l’absence de définition juridique concrète, nous partons des trois conditions suivantes:

  • Il faut qu’une faute ait été commise;
  • Il doit s’agir d’un comportement coupable;
  • La faute doit avoir un lien avec l’exécution du contrat de travail, que ce soit pendant ou en dehors des heures de travail.

Bref, si le travailleur commet une faute qui lui est imputable et qui peut influencer la relation professionnelle avec l’employeur, une sanction peut lui être imposée. Que la faute ait été commise dans la sphère privée n’y change rien. En ce sens, provoquer un accident de roulage avec une voiture de société, comme dans le cas de S. K. est considéré comme une faute professionnelle qui peut donner lieu à une sanction.

Il y a quelques mois, les médias ont largement illustré que des actes appartenant encore plus à la sphère privée pouvaient donner lieu à une sanction. En octobre 2022, un travailleur a été licencié par son employeur après avoir émis des propos racistes sur le footballeur camerounais Lamkel Zé. L’employeur a défendu la décision de licenciement en soulignant que le racisme n’avait pas sa place dans l’entreprise et que l’homme avait déjà reçu un avertissement pour des infractions similaires. L’importance que l’employeur attache à la diversité et à l’inclusion est présente dans le code de conduite de l’entreprise dont le travailleur devait avoir connaissance. Bref, bien que le travailleur ait tenu des propos racistes dans le cadre de sa vie privée, il a ainsi violé le code de conduite de son employeur, avec pour conséquence qu’il est question d’une faute professionnelle susceptible d’être sanctionnée.

 

2. Quelles sont les sanctions à la disposition de l’employeur?

Quand l’employeur constate une faute professionnelle de la part d’un travailleur, il ne peut imposer n’importe quelle sanction. L’employeur doit se limiter aux sanctions figurant dans le règlement de travail. Une intuition «créative» du moment est donc hors de question. Lors de la rédaction (ou de la modification) du règlement de travail, l’employeur n’est pas limité dans la mise en place de sanctions, que ce soit en ce qui concerne leur nature ou leur nombre. Dans la pratique, cependant, la créativité permise par le législateur est rarement utilisée et les mêmes sanctions sont généralement toujours incluses dans les règlements de travail: l’avertissement oral ou écrit, la suspension temporaire du contrat de travail, avec ou sans salaire, et l’amende.

La «suspension» de S. K. peut être considérée comme une suspension du contrat de travail, avec ou sans maintien de la rémunération. Bien que la loi ne précise pas la durée de la suspension du contrat de travail en tant que sanction, on suppose que l’employeur ne peut imposer cette sanction que pour une courte période. Dans le cas contraire, la possibilité d’imposer une suspension de longue durée doit être considérée comme une possibilité déguisée pour l’employeur de modifier unilatéralement les termes du contrat de travail (dans ce cas, la fourniture du travail et éventuellement le paiement du salaire). L’inclusion d’une clause dite de modification est expressément interdite par la loi. Compte tenu de ce qui précède, on peut se demander si S.K. a effectivement été suspendu pour une durée indéterminée ou si cette décision n’a été communiquée qu’à l’extérieur, sachant que le joueur ne pourra de toute façon pas être actif pendant un certain temps en raison de ses blessures.

Outre les sanctions prévues par le règlement de travail, l’employeur peut également choisir de procéder au licenciement du travailleur. Dans des cas extrêmes, il peut même être procédé au licenciement pour raisons impérieuses. La question de savoir si OH Leuven aurait pu licencier S.K. pour des raisons impérieuses est ouverte. Pour permettre le licenciement, l’infraction au Code de la route doit être si grave que toute coopération professionnelle est devenue immédiatement et définitivement impossible. La preuve que ces conditions sont remplies incombe à la partie qui invoque le licenciement pour raisons impérieuses. Bien que le club de football souligne dans sa communication l’importance de la sécurité routière et le rôle d’exemplarité de ses joueurs, on peut argumenter que l’accident de la circulation causé n’empêche pas S. K. de continuer à exercer ses fonctions de footballeur au sein du club. Par souci d’exhaustivité, nous notons qu’un licenciement pour raisons impérieuses pourrait toujours être possible si, par exemple, l’enquête faisait apparaître de nouvelles informations qui le justifiaient.

 

3. Obligations liées à l’imposition d’une sanction

L’employeur dispose d’un court délai pour imposer la sanction. La sanction doit être communiquée au travailleur au plus tôt un jour ouvrable après que les faits à l’origine de la sanction ont été établis par la personne chargée d’imposer la sanction. Bien que la loi ne stipule pas que cela doive se faire par écrit, il est recommandé de le faire pour des raisons de preuve. Si la sanction est imposée ultérieurement et qu’elle est contestée par le travailleur, elle peut être annulée.

Toutefois, la loi n’exige pas que l’employeur entende le travailleur avant d’imposer une sanction. L’audition du travailleur permet à la personne compétente pour appliquer la sanction de prendre connaissance des circonstances de manière suffisamment nuancée et d’évaluer s’il y a eu faute professionnelle et quelle sanction est justifiée.

L’employeur n’est pas non plus tenu de motiver sa décision de sanction. Toutefois, afin d’éviter une discussion sur l’abus de droit, il est recommandé que la communication écrite de la sanction comprenne également une brève justification.

Enfin, et par souci de complétude, la sanction imposée doit toujours être consignée dans un registre, et l’employeur doit prévoir dans le règlement de travail une procédure de recours interne que le travailleur peut suivre s’il n’est pas d’accord avec la sanction imposée. En outre, le travailleur peut également contester la sanction devant le tribunal du travail, mais le rôle du juge est limité. Le juge ne pouvant se substituer à l’employeur, son appréciation se limitera aux aspects formels et à la proportionnalité de la sanction. Le juge ne peut pas non plus réduire une peine disproportionnée. Dans ce cas, le juge pourra uniquement déclarer la sanction nulle.

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