Principaux changements apportés à la législation de l’UE sur les dessins et modèles
1. Élargissement du champ d’application
Traditionnellement, la législation sur les dessins et modèles protège l’apparence des « produits » tridimensionnels, tels que les lignes, les formes, les couleurs et les textures. L’élargissement des définitions vise à mieux refléter les réalités technologiques contemporaines du marché, entre autres :
- « Modèle » : outre les apparences physiques, les mouvements, transitions et autres animations de ces apparences peuvent désormais contribuer à l’apparence d’un produit.
- « Produit » : la liste non exhaustive est complétée pour inclure, entre autres, les produits non physiques (interfaces utilisateur graphiques et objets virtuels) et la disposition spatiale des environnements intérieurs et extérieurs (comme l’agencement d’un magasin, en plus d’une éventuelle protection de la marque, voir l’affaire Apple Store).
2. Enregistrement efficace et accessible des modèles et dessins
Les obstacles financiers et administratifs ont été réduits.
Tout d’abord, les règles de dépôt d’une demande de dessin ou modèle sont simplifiées. Ainsi, un dessin ou modèle peut déjà être enregistré à la date du dépôt, même si certains documents sont manquants, pour autant que la présentation du dessin ou modèle soit suffisamment claire. Les frais liés à l’enregistrement seront également simplifiés : pas de taxe de publication distincte, pas de taxe de transfert et une réduction de la taxe de dépôt.
En outre, la restriction relative à l’« unité de classe » est supprimée. Cela permet d’inclure plusieurs dessins ou modèles dans une même demande, quelle que soit leur catégorie de produit.
3. Droits attachés à un dessin ou modèle enregistré
- Contrefaçons en transit
Dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon, il est désormais possible pour les titulaires de marques et de dessins ou modèles d’empêcher les produits contrefaits de transiter par l’Union européenne, même s’ils ne sont pas destinés au marché européen.
Auparavant, comme cela ressort des affaires Philips/Lucheng et Nokia (C-446/09 et C-495/09), les douanes n’étaient autorisées à agir que sur la base d’un « soupçon légitime » que les marchandises seraient commercialisées dans l’UE. En l’absence de consentement à la destruction des produits, le titulaire du dessin ou modèle devait fournir la preuve que les marchandises seraient effectivement vendues, offertes ou détournées dans l’UE.
Le nouveau régime renverse la charge de la preuve : le propriétaire des produits litigieux doit prouver que le titulaire du dessin ou modèle, dans le pays de destination finale, n’a aucun droit pour interdire la commercialisation des produits. Si cette preuve est apportée, le titulaire du dessin ou modèle perd le droit de prendre des mesures supplémentaires.
Malgré cette approche préventive, certaines mises en garde peuvent être émises, dont notamment les suivantes :
-
- L’efficacité de ce système dépendra, entre autres, de la volonté et de la capacité des autorités douanières nationales, étant donné que les contrôles et l’analyse des risques devraient également s’étendre aux envois destinés à des pays extérieurs à l’UE. En outre, l’identification de la contrefaçon des droits de dessins et modèles requiert une certaine expertise – les atteintes aux dessins et modèles sont plus difficiles à établir que les atteintes aux marques. La question est de savoir si les autorités douanières nationales disposent de ressources suffisantes pour cette obligation de contrôle supplémentaire.
- Pour bénéficier du renversement de la charge de la preuve, le titulaire du dessin ou modèle doit disposer de droits dans le pays de destination finale. Cela peut impliquer la nécessité d’enregistrer des dessins ou modèles dans des pays où le titulaire n’exerce pas d’activités.
- Impression 3D
Pour accorder une protection à l’impression 3D, des actes tels que la création, le téléchargement, la copie ou le partage de fichiers numériques ou de logiciels incorporant un dessin ou modèle seront considérés comme une utilisation du dessin ou modèle. Cela nécessite l’autorisation préalable du titulaire des droits.
- Outre les symboles bien connus du droit d’auteur ® et du droit des marques ™, les dessins ou modèles enregistrés peuvent désormais également porter un symbole reconnu, à savoir .
4. Limites et exclusions de la protection des dessins ou modèles
Afin de trouver un équilibre entre les intérêts en jeu, certaines restrictions ont également été introduites.
- Clause de réparation des pièces détachées
La protection des dessins et modèles ne s’applique plus aux pièces utilisées exclusivement pour redonner à un produit assemblé, tel qu’une voiture, son apparence d’origine. Cela signifie que des pièces détachées ayant la même apparence peuvent être commercialisées sans porter atteinte aux droits des dessins et modèles. Cette exception ne s’applique pas aux « pièces de tuning » ou aux accessoires, qui vont au-delà de la simple restauration de l’apparence d’origine. Toutefois, pour éviter d’induire les consommateurs en erreur, ceux-ci doivent être informés de l’origine et du fait que les pièces ne sont pas d’origine.
- Élargissement de la liste des utilisations autorisées
L’utilisation d’un dessin ou modèle enregistré est désormais également autorisée lorsque l’utilisation consiste en : « une utilisation à titre de mention » – dans le cadre de la publicité comparative -, en « une utilisation à des fins de commentaire, de critique ou de parodie », ou encore en une utilisation à des fins d’expression artistique. Cet ajout est en partie conforme au jugement rendu en 2011 par le tribunal de La Haye, dans lequel un artiste avait utilisé un sac à main Louis Vuitton (également enregistré en tant que dessin ou modèle) pour une œuvre d’art et l’avait modifié. Toutefois, une telle utilisation doit être conforme aux usages honnêtes en matière commerciale et ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale du dessin ou modèle.
- Patrimoine culturel
Les États membres ont eu la possibilité de prévoir des motifs spécifiques de non-enregistrement et d’annulation pour des éléments appartenant au « patrimoine culturel d’intérêt national », tels que les costumes traditionnels, les monuments, l’artisanat, etc.
Des discussions avaient déjà eu lieu à ce sujet lorsque des motifs traditionnels ou tribaux ont été utilisés dans le domaine de la mode (cf. l’affaire de plagiat Walter van Beirendock / Virgil Ablob qui a débouché sur une discussion plus large sur l’appropriation culturelle).
Entrée en vigueur
La directive entrera en vigueur, pour les modèles nationaux, le 8 décembre 2024 et les États membres auront jusqu’au 9 décembre 2027 pour la transposer en droit national. Le nouveau règlement, relatif aux dessins et modèles de l’Union, sera directement d’application dans toute l’UE à partir du 1er mai 2025.
La lutte contre la contrefaçon, comme dans le cas des marchandises en transit, nécessite une expertise approfondie et une coopération avec les autorités douanières et judiciaires. En outre, la protection des dessins et modèles numériques exige un sens aigu du détail et une compréhension des droits transfrontaliers.
Vous avez des questions sur le contenu de cet article, ou vous cherchez des conseils en matière de propriété intellectuelle et de contrefaçon de manière plus générale ? Vous souhaitez obtenir une assistance quant aux stratégies d’enregistrement ou à l’application des droits de propriété intellectuelle ou des conseils sur des questions internationales complexes ? N’hésitez pas à nous contacter.
Cet articlé a été ecrit par Daan De Jaeger et Sarah Bos.