- Une société belge détenait la totalité des actions d’une société portugaise. Cette entreprise portugaise avait conclu avec une institution publique locale une convention d’octroi de subsides en partie remboursables. Cette convention imposait à la société portugaise l’émission d’une garantie à première demande émise par une banque privée en faveur de l’institution publique.
Ladite garantie fut émise par une banque portugaise. La banque portugaise exigea de la société belge l’émission d’une lettre de patronage en sa faveur.
La société belge émit une lettre de patronage en faveur de la banque privée portugaise dans les termes suivants : « En qualité d’actionnaire d’une société portugaise (la société patronnée), notre entreprise apportera tout son soutien jusqu’à concurrence d’une certaine somme concernant la garantie bancaire à fournir à une institution publique portugaise par cet établissement de crédit portugais et disposera des fonds nécessaires au règlement des intérêts et de la dette, si celui-ci est exigé. Nous ferons respecter intégralement les obligations à votre égard ».
Par la suite, la société belge cède sa participation dans la société portugaise à des tiers.
L’institution publique portugaise résilie la convention d’octroi de subsides et fait appel à la garantie bancaire donnée par la banque portugaise en sa faveur. La banque s’acquitte de ce paiement. L’entreprise portugaise patronnée est déclarée en faillite.
La banque portugaise invite la société belge à exécuter l’engagement pris dans la lettre de patronage et à lui payer une importante somme d’argent.
Face au refus de l’émettrice de cette sûreté de s’exécuter, il s’en suit une procédure en Belgique entre la banque portugaise, bénéficiaire de la lettre de confort, et l’entreprise belge, émettrice de ladite lettre.
- Le premier juge a considéré que la lettre de patronage avait, en principe, un caractère autonome[1].
En appel, la Cour considère que la lettre de patronage ne confère pas à son bénéficiaire un second débiteur, à l’instar des sûretés personnelles répertoriées en droit belge. L’entreprise émettrice de la lettre ne s’est pas engagée envers la banque portugaise à acquitter la dette de la société patronnée si cette dernière ne lui remboursait pas le montant déboursé dans le cadre d’un appel à la garantie à première demande émise par la banque portugaise pour le compte et à la demande de la société patronnée.
La lettre de patronage émise contenait plus que l’expression d’un simple engagement d’honneur. Elle contenait l’expression d’obligations de faire en faveur de la société patronnée et qui, par sa formulation et en l’absence de tout aléa, s’analysait en des obligations de résultat. Le résultat à atteindre était le remboursement par la société patronnée à la banque portugaise du montant déboursé par cette dernière à la suite de l’appel à la garantie à première demande par l’institution publique.
- Le premier juge avait par ailleurs considéré que l’entreprise belge s’étant engagée « en qualité d’actionnaire », la perte de cette qualité entraînait l’extinction de l’engagement souscrit.
La caducité par disparition de l’objet correspondait à une impossibilité d’exécution dont la société belge émettrice ne pouvait plus être tenue responsable.
En appel, la Cour a critiqué cette position et a réformé le jugement a quo sur ce point.
L’indication dans la lettre de patronage « en qualité d’actionnaire de la société portugaise » n’induit pas une limitation temporelle des engagements souscrits par la société belge, ni ne constitue une condition résolutoire. La lettre de patronage litigieuse ne pouvait s’analyser comme prévoyant qu’elle prendrait fin en cas de cession par l’entreprise belge de sa participation dans sa filiale portugaise.
En outre, l’objet des obligations souscrites par l’émetteur de la lettre est une obligation de faire tendant à l’obtention d’un résultat que la perte de sa qualité d’actionnaire de la société patronnée n’empêchait pas, même si elle la rendait plus compliquée.
- En revanche, la Cour d’appel a considéré que la faillite de la société patronnée entraînait la caducité de la lettre de patronage par disparition de son objet et l’impossibilité de son exécution en nature. En effet, l’émetteur n’avait pas promis de rembourser lui-même les fonds prêtés à la société patronnée. Elle s’était engagée à « apporter tout son soutien » afin que la société patronnée rembourse le montant prêté à la banque portugaise. Exécuter elle-même (en qualité de tiers) l’obligation de remboursement (de donner) souscrite par la société patronnée (débiteur) vis-à-vis de la banque portugaise (créancier) ne correspond pas aux termes de la lettre de patronage qui crée dans le chef de l’émetteur de la lettre une obligation de faire envers la banque portugaise.
La faillite de la société patronnée met l’émetteur de la lettre dans l’impossiblité définitive de s’exécuter en nature. Les obligations souscrites par l’entreprise belge étaient dès lors devenues caduques par l’impossiblité d’exécution de leur objet depuis l’ouverture de la faillite de la société patronnée.
[1] Comm. francophone de Bruxelles 22 janvier 2015, R.D.C., 2016/3, page 301 et note L. Dujardin « Sûretés et impossibilités d’éxécuter ».