Le consentement éclairé: une dynamique entre le professionnel de la santé et le patient – Note de cass. 31 mars 2022

L’article 8 de la Loi relative aux droits des patients donne à chaque patient ou patiente le droit de consentir ou non à un traitement par un professionnel de la santé. Pour aider le patient ou la patiente dans son choix, le professionnel de la santé doit notamment l’informer des risques pertinents en tenant compte de la fréquence et de la gravité du risque d’un traitement déterminé et de la personne du patient ou la patiente) et des alternatives de traitement (raisonnables) potentielles.

En d’autres termes, un traitement peut être commencé quand le patient ou la patiente a donné un consentement éclairé à ce propos. L’intégrité physique du patient ou de la patiente peut ainsi être protégée. Si le patient ou la patiente refuse le traitement, il convient bien entendu de respecter son refus.

« Le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable.

 Ce consentement est donné expressément, sauf lorsque le praticien professionnel, après avoir informé suffisamment le patient, peut raisonnablement inférer du comportement de celui-ci qu’il consent à l’intervention. »

En dépit de cet arrangement juridique, le consentement éclairé a longtemps été une source de controverse et de débat. La question se pose toujours de savoir qui doit fournir la preuve de violation du droit au consentement éclairé. Le professionnel de la santé doit-il prouver qu’il a (suffisamment) informé le patient ou la patiente ou est-ce le patient ou la patiente qui doit prouver qu’il n’a pas ou insuffisamment été informé(e)?

Dans un arrêt récent du 31 mars 2022, la Cour de Cassation s’est (de nouveau) prononcée sur la répartition de la charge de la preuve dans les litiges relatifs au consentement éclairé des patients ou patientes. Que la Cour de cassation se soit une nouvelle fois prononcée dans cette discussion ne peut être que salué dans le cadre de la recherche de la sécurité juridique pour chacun d’entre nous. Mais l’avis de la plus haute juridiction belge est-il aussi favorable dans la pratique ? Nous allons dans la suite répondre à cette question.

 

L’arrêt de la Cour de cassation

Dans son arrêt du 31 mars 2022, la Cour de Cassation a décidé que la charge de la preuve incombe au patient ou à la patiente dans les litiges concernant le consentement éclairé. Concrètement, il appartient au patient ou à la patiente de prouver que le professionnel de la santé aurait dû réellement lui fournir l’information et que celui-ci a omis de le faire.

Par cette décision, la Cour de Cassation confirme son arrêt de principe du 16 décembre 2004 et notamment ses arrêts du 11 janvier 2019 et du 18 juin 2020. On peut donc s’attendre à une certaine convergence à l’avenir dans la jurisprudence.

La Cour de Cassation répète donc la règle générale selon laquelle celui qui demande réparation de son préjudice doit être en mesure de prouver l’existence de la faute, du dommage et du lien de causalité entre eux. Comme il est impossible de nier que la charge de la preuve qui incombe au patient ou à la patiente est lourde, la Cour a déjà déclaré en 2004 que le juge du fond peut bien juger qu’un fait négatif ne doit pas être prouvé avec la même rigueur qu’un fait positif. Ce jugement s’applique encore aujourd’hui.

 

Les conséquences dans la pratique

Qu’attend-on alors précisément du patient ou à la patiente ? Puisque la charge de la preuve incombe au patient ou à la patiente, il ou elle doit pouvoir prouver en première instance que le professionnel de la santé a réalisé une intervention ou un traitement sans que le patient ou à la patiente ait été au préalable suffisamment informé(e) à ce propos et/ou sans avoir obtenu son consentement libre et éclairé (ladite faute). D’autre part, le patient ou la patiente doit prouver qu’il ou elle a réellement subi un préjudice du fait que le professionnel de la santé a violé son droit au consentement éclairé. Pour conclure, le patient ou la patiente doit également pouvoir prouver qu’il ou elle n’aurait pas accepté l’intervention du professionnel de la santé s’il ou elle avait eu au préalable connaissance de certaines informations et risques. Deux tests différents peuvent être utilisés dans la pratique:

  • le test objectif: une personne raisonnable, correctement informée, aurait-elle choisi ou non le traitement concerné?
  • le test subjectif: le patient ou la patiente aurait-il ou elle accepté l’intervention, s’il ou elle avait été correctement informé(e)?

Ce n’est que quand le patient ou la patiente réussit à prouver la faute, le préjudice et le lien de causalité que le professionnel de la santé sera tenu pour responsable du préjudice du patient ou de la patiente et sera par conséquent tenu de réellement réparer ce préjudice.

En dépit du fait que cette règle impose une lourde charge aux patients et patientes, cet arrêt peut améliorer la relation entre professionnel de la santé et le patient ou patiente. Dans la pratique, par exemple, il a été constaté auparavant que certains professionnels de la santé avaient l’habitude de documenter ce qu’ils considéraient comme des informations nécessaires. Pendant la consultation, le professionnel de la santé pouvait alors se référer à la documentation fournie au patient ou à la patiente et lui faire signer un formulaire de consentement généralement impersonnel sans avoir eu une discussion approfondie avec le patient ou la patiente à ce propos.

En ne faisant pas reposer la charge de la preuve sur le professionnel de la santé, on évite que les professionnels de la santé accordent une trop grande importance à l’utilisation de formulaires de consentement impersonnels qui remplaceraient l’entretien entre le professionnel de la santé et le patient ou la patiente[1].

Nous reconnaissons bien entendu qu’un consentement écrit du patient ou de la patiente peut présenter certains avantages tant pour le patient ou la patiente que le professionnel de la santé (et est même dans certains cas exigé par la loi). Ainsi, le patient ou la patiente peut relire tranquillement le formulaire après sa visite chez le médecin et encore considérer les différentes options de traitement. D’autre part, le document peut devenir un fil conducteur pour le professionnel de la santé lors de son entretien avec le patient ou la patiente.

Cependant, il est bon que chaque professionnel de la santé ait une discussion de qualité avec le patient ou la patiente avant tout traitement ou intervention. L’objectif visé du consentement éclairé est notamment de mettre à la disposition de chaque patient ou patiente l’information qu’il ou elle juge nécessaire pour prendre une décision. Tous les patients et toutes les patientes ne doivent donc pas être logé(e)s à la même enseigne.

Avec l’arrêt de cassation du 31 mars 2022, la discussion sur la charge de la preuve en cas de consentement éclairé semble être définitivement close. La charge de la preuve incombe au patient, mais il appartient au professionnel de la santé d’informer ses patients et patientes correctement sur le traitement ou l’intervention qui les attend.

 

[1] T. Vansweevelt en F. Dewallens (eds.), Handboek Gezondheidsrecht Volume II: Rechten van patiënten: van embryo tot lijk, 414-415.

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