Lorsqu’elles constatent une divergence entre les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés figurant dans le registre central UBO et les informations qui sont à leur disposition, elles doivent en informer l’administration de la trésorerie.
- Par dérogation, les avocats doivent en informer leur bâtonnier. C’est lui qui, après avoir vérifié si les conditions légales de la violation du secret des avocats sont remplies et si ceux-ci se trouvent dans un des cas exceptionnels prévus par la loi, est tenu de transmettre les informations et renseignements à l’administration de la trésorerie.
Ce filtre du bâtonnier existe également à l’égard de la CTIF lorsque l’avocat déclare des soupçons de blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme.
- Les experts-comptables et les conseillers fiscaux ont voulu récemment supprimer ce privilège, en introduisant un recours devant la Cour Constitutionnelle. Ils dénonçaient notamment une différence de traitement injustifiée entre leur profession et les avocats, en ce que ces derniers bénéficiaient de l’intervention d’un organisme d’auto-régulation afin de garantir l’application de l’obligation de signalement imposée par la loi.
Le recours en annulation était dirigé à l’encontre de l’article 48 de la loi du 2 juin 2021 portant dispositions financières diverses relatives à la lutte contre la fraude (insertion de l’article 74/1 dans la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces).
- La Cour Constitutionnelle, dans son arrêt n° 28/2023 du 16 février 2023, leur a donné tort en rejetant leur recours.
La Cour justifie la différence de traitement de la profession des experts-comptables et conseillers fiscaux en ce que ceux-ci se trouvent dans une situation qui diffère fondamentalement de celle des avocats. Antérieurement, la même Cour a déjà précisé que la profession d’avocats en Belgique se distingue d’autres professions juridiques indépendantes (arrêt n° 10/2008 du 23 janvier 2008).
Les différences de traitement apportées par le législateur sont justifiées par la nécessité d’éviter pour les avocats tout risque d’atteinte aux droits de la défense et au droit au respect de la vie privée dans son aspect le plus personnel. Ceci rend nécessaire l’intervention d’un organisme d’auto-régulation pour les avocats, dans le cadre de l’application de la loi anti-blanchiment.
- Dans 2 arrêts, la Cour Constitutionnelle s’est déjà expliquée sur la nature particulière du secret professionnel de l’avocat :
- « L’effectivité des droits de la défense de tout justiciable suppose nécessairement qu’une relation de confiance puisse être établie entre lui et l’avocat qui le conseille et le défend. Cette nécessaire relation de confiance ne peut être établie et maintenue que si le justiciable a la garantie que ce qu’il confiera à son avocat ne sera pas divulgué par celui-ci. Il en découle que la règle du secret professionnel, dont la violation est sanctionnée notamment par l’article 458 du Code pénal, est un élément fondamental des droits de la défense» (arrêt 10/2008 du 23 janvier 2008) ;
- « Le secret professionnel de l’avocat est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée et du droit à un procès équitable. Le secret professionnel de l’avocat vise en effet principalement à protéger le droit fondamental qu’a la personne qui se confie, parfois dans ce qu’elle a de plus intime, au respect de sa vie privée» (arrêt n° 114/2020 du 24 septembre 2020).
- La Cour de justice de l’Union Européenne a par ailleurs récemment justifié la protection spécifique du secret professionnel de l’avocat de la manière suivante :
« La protection spécifique que l’article 7 de la Charte et l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH accordent au secret professionnel des avocats, qui se traduit avant tout par des obligations à leur charge, se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables (Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2012, Michaud c., France, §§ 118 et 119). Cette mission fondamentale comporte, d’une part, l’exigence, dont l’importance est reconnue dans tous les Etats membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même englobe, par essence, la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin et, d’autre part, celle corrélative, de loyauté de l’avocat envers son client (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1982, AM&S Europe/commission, 155/79.18) » (arrêt de la CJUE, Grande Chambre, 8 décembre 2022, C-694/20, Orde Van vlaamse Balies e.a. 28).
- En conclusion, le secret professionnel de l’avocat a une nature particulière en ce qu’il est intimement lié au respect des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit au respect de la vie privée du justiciable. Ceci justifie un traitement particulier de cette profession et la nécessité de l’intervention d’un organisme d’auto-régulation pour les avocats, dans le cadre de l’application de la loi anti blanchiment.