La Cour constitutionnelle justifie l’exclusion du secteur des technologies de l’information du régime fiscal favorable aux droits d’auteur

Les revenus obtenus à la suite de la cession ou de la concession de licences sur des œuvres protégées par le droit d’auteur peuvent bénéficier d’un régime fiscal favorable. Mais le secteur des technologies de l’information (TI) serait exclu de ce régime depuis la réforme de 2022. Dans un arrêt du 16 mai 2024, la Cour constitutionnelle a rejeté le recours en annulation introduit par plusieurs entreprises de TI et a confirmé qu’il n’était nullement question d’une discrimination interdite (no 52/2024).

Historique et contexte

La législation fiscale prévoit un traitement favorable des revenus perçus à la suite de la cession ou de la concession de licences d’œuvres protégées par le droit d’auteur (art. 17, §1, 5° CIR92). Sous certaines conditions, ces revenus sont seulement imposables à 15 %, déduction faite des frais forfaitaires.

À compter du 1er janvier 2023, le régime fiscal des redevances consécutives à la cession ou la concession d’une licence sur des œuvres protégées par les droits d’auteur a été réformé en profondeur. Une des modifications concernant une description plus précise de «l’œuvre protégée par le droit d’auteur». Désormais, cela concernera uniquement:

  • les œuvres protégées visées au livre XI, titre 5 du Code de droit économique, et;
  • qui concernent des œuvres littéraires ou artistiques originales, comme visé à l’art. XI.165 CDE ou des prestations des artistes-interprètes ou exécutants comme visés à l’art. XI.205 CDE.

La question de savoir si les logiciels tombaient également dans le champ d’application de cette définition restait très ambigüe. Pendant les préparations parlementaires, le ministre des Finances avait déjà avancé quelques explications dont il ressortait que ce ne serait plus le cas. Le Service des Décisions Anticipées en matières fiscales suit d’ailleurs cette position (Ruling no 2023.0659, 3 octobre 2023)

Certaines sociétés TI ont ensuite déposé un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle pour contester cette discrimination de traitement. Cela a, en effet, conduit à une discrimination interdite.

 

Considérations de la Cour

Dans l’arrêt du 16 mai 2024, la Cour constitutionnelle a estimé qu’il n’était pas question d’une discrimination interdite.

La Cour constitutionnelle a jugé que la discrimination dans le traitement existait bel et bien. En effet, le législateur aurait voulu exclure les programmes d’ordinateur (qui sont assimilés à des œuvres littéraires) du champ d’application de la nouvelle disposition.

Toutefois, cette distinction repose sur un critère pertinent, tenant compte de l’objectif du règlement. Le législateur aurait notamment eu pour but de revenir à l’objectif original du règlement, c’est-à-dire prévoir un régime approprié pour les revenus obtenus de manière irrégulière et erratique dans le cadre d’activités artistiques. Une telle volatilité n’existerait pas dans le secteur des TI. Le développement de programmes informatiques s’inscrirait plutôt dans les réalisations économiques stables.

 

Conséquence en pratique

D’un point de vue juridique, cette décision peut faire l’objet de beaucoup de discussions. Mais le ton est clairement donné. Les revenus obtenus à la suite de la cession ou de la concession de licences sur des programmes informatiques ne devraient pas bénéficier d’un régime fiscal favorable.

Mais, cela ne signifie pas que tout le secteur TI serait complètement exclu de ce régime. En effet, outre les programmes informatiques, ils créent également d’autres œuvres protégées par le droit d’auteur. Et dans ce domaine, le régime fiscal favorable peut bien être appliqué. Le Service des Décisions Anticipées a ainsi déjà rendu des décisions positives concernant les spécialistes du marketing (ruling no 2023.0888, 30 janvier 2024), les concepteurs de site web et les graphistes (ruling no 2023.0936, 16 janvier 2024). Il faut donc analyser en détail les spectacles que l’on exécute et les œuvres que l’on crée.

Depuis quelques années, les autorités fiscales effectuent également des contrôles ciblés sur le régime fiscal des droits d’auteur. La pratique montre que les autorités fiscales se réfèrent déjà à certaines déclarations ou restrictions du nouveau régime (à partir de 2023), alors que le contrôle porte sur l’ancien régime. On peut s’attendre à ce que ce soit encore plus le cas à l’avenir. Mais dans la mesure où le contrôle concerne l’année fiscale 2022 ou une année antérieure, ces déclarations ne sont pas pertinentes. Il convient donc d’être suffisamment vigilant à cet égard.

Si vous avez d’autres questions sur l’impact de cette décision ou sur le régime fiscal des droits d’auteur? N’hésitez pas à contacter Luk Cassimon (luk.cassimon@monardlaw.be), Wylma Gashi (wylma.gashi@monardlaw.be) ou votre personne de contact habituelle!

 

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