UN CABINET D’AVOCATS PEUT-IL ETRE REPRESENTE PAR UN ASSOCIE DEVANT LES JURIDICTIONS DE L’UNION EUROPEENNE ?

Une association d’avocats, partie requérante dans une procédure pendante devant les juridictions de l’Union européenne, peut-elle être dument représentée par des avocats exerçant leur activité en son sein, en qualité d’associés ?

Le Tribunal de l’Union européenne avait répondu par la négative à cette question, par ordonnance du 10 octobre 2022, au motif que les avocats n’avaient pas la qualité de tiers indépendants à l’égard de la partie requérante.

La Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’un pourvoi, a, par arrêt le 4 septembre 2025, annulé cette décision. L’article 19, alinéa 3 et alinéa 4 du statut de la Cour de justice prévoit 2 conditions distinctes et cumulatives pour la représentation des parties non privilégiées devant les juridictions de l’Union européenne :

  1. Les parties doivent être représentées par un avocat. Les parties ne peuvent en aucun cas se représenter elles-mêmes. Elles doivent être représentées par un tiers ne pouvant être qu’un avocat
  2. Seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un Etat membre ou d’un Etat partie à l’accord EEE peut représenter ou assister une telle partie. Cette condition doit être interprétée par renvoi au droit national concerné. L’objectif est de protéger et de défendre au mieux les intérêts du mandant, en toute indépendance et dans le respect de la loi, des règles professionnelles et des règles déontologiques.

L’exigence d’indépendance présuppose nécessairement l’absence de tout rapport d’emploi, caractérisé par l’existence d’un lien de subordination entre la partie requérante et le représentant qu’elle a mandaté. Cette présomption d’indépendance ne s’applique pas lorsqu’il existe un tel rapport d’emploi. Tel est le cas dans l’hypothèse où des avocats, conformément au droit national applicable, exerçant leur profession en tant que salariés du cabinet qui les emploie, viendraient à représenter ce dernier devant les juridictions de l’Union européenne.

Il en va de même dans l’hypothèse où des juristes d’entreprises, membres du barreau d’un Etat membre et admis à représenter devant les juridictions nationales la personne morale à laquelle ils sont liés par un rapport d’emploi, devraient représenter cette personne devant les juridictions de l’Union européenne.

En l’espèce, le fait d’être associé au sein d’un cabinet qu’il représente devant les juridictions de l’Union européenne n’est pas incompatible avec l’exigence d’indépendance. D’autre part, en l’absence d’un contrat d’emploi, seuls des éléments concrets établissant que les liens entre le cabinet d’avocats et les avocats associés qui le représentent sont de nature à porter manifestement atteinte à leur capacité à assurer leur mission de représentation, en servant au mieux les intérêts de la partie concernée ou que le dit avocat ne respecte pas les règles professionnelles et déontologiques nationales applicables, pourraient renverser la présomption d’indépendance.

 

Jean-Pierre BUYLE
Ancien bâtonnier du barreau de Bruxelles
Ancien président de AVOCATS.BE

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