Actualités: augmentations et révisions des prix dans les contrats commerciaux et publics

Introduction

Les médias ne s’y trompent pas; les prix augmentent. Qu’il s’agisse des prix de l’énergie, de l’acier et de l’aluminium, des conteneurs maritimes, des micropuces ou des semi-conducteurs et des matériaux de construction, le marché actuel est capricieux et imprévisible. Après la pandémie mondiale du Covid-19, les répercussions économiques de la guerre en Ukraine sont perceptibles. Les marchés restent soumis au jeu erratique de l’offre et de la demande. Les pénuries s’installent et les entreprises doivent faire face à des retards, des hausses de prix et les incertitudes liées.

Mais comment y réagir de manière correcte et surtout concluante en tant qu’entreprise novatrice. Comment armer votre entreprise contre les incertitudes du marché?

Cette lettre d’information vise à vous donner quelques lignes directrices. Vos contrats et accords avec vos clients et fournisseurs sont-ils à l’épreuve du temps? Dans cette lettre d’information, nous allons mettre l’accent non seulement sur les contrats commerciaux (B2B et B2C) mais également étudier l’effet de ces nouvelles circonstances sur les marchés publics en cours.

Contrats commerciaux

Si votre entreprise évolue sur le marché business-to-business, vous êtes en principe libre de conclure des accords avec vos clients et fournisseurs dans un contrat. Pour autant bien entendu que vous respectiez les limites fixées par le législateur.

Nous nous concentrons ci-dessous sur une série de mécanismes contractuels sur lesquels vous pouvez vous appuyer en tant qu’entrepreneur si vous êtes confronté à de nouvelles conditions du marché. Ensuite, nous rappelons aussi les limites légales de la liberté contractuelle. En effet, le législateur a récemment aussi restreint la liberté contractuelle entre entreprises (B2B).

 

1. Augmentations des prix

Supposons que votre entreprise conclut un contrat pour la livraison et l’installation d’une nouvelle infrastructure informatique avec une PME. Vous avez fait une offre pour la livraison de 10 ordinateurs portables, stations d’accueil et clients légers. Vous avez ensuite prévu la livraison et l’installation d’appareils audio et vidéo dans la salle de réunion de la PME. La PME veut un casque et une tablette pour chaque collaborateur et vous faites également offre. Ensuite, vous avez vendu une série de licences logicielles et vos collaborateurs soutiendront la PME dans la migration vers le « nuage ».

En raison de l’énorme demande de matériel informatique, stimulée par l’augmentation du télétravail pendant la pandémie, les prix de certains composants ont énormément augmenté. Le prix de non seulement les GPU mais aussi les SSD et RAM ont sensiblement augmenté en l’espace de quelques mois. D’autre part, le marché connaît une pénurie conséquente. Il est possible que vous ne puissiez pas livrer ou pas à temps le matériel à votre client. Que devez-vous faire?

Ou bien, imaginez que votre entreprise est active dans la distribution internationale de produits industriels. Le marché est en plein essor, mais progressivement il devient presque impossible d’encore mettre la main sur des conteneurs maritimes pour organiser l’importation et l’exportation de vos produits. En plus des énormes retards dans la chaîne d’approvisionnement, les prix des conteneurs maritimes s’envolent. Les prix du transport maritime ont augmenté de pas moins de 500 % en un an. Pouvez-vous répercuter cette énorme augmentation des coûts de transport sur votre cocontractant?

Vous pouvez prévoir un certain nombre de clauses dans vos contrats pour soutenir votre entreprise en ces temps d’incertitude.

 

I. Clause de révision des prix

    1. Point d’attention

Le prix est une disposition essentielle de vos contrats. En tant qu’entreprise, vous déterminez un prix en tenant compte de la structure des coûts, des frais généraux et de la marge. Dans vos relations commerciales, le prix sera souvent le fer de lance des négociations. Finalement, vous parvenez à un accord avec votre client ou fournisseur et tous les autres aspects de la collaboration. Un contrat est établi sur la base de cet accord de volonté entre les parties.

Mais c’est alors que la réalité émerge : vous êtes confronté à la hausse des prix et les prémisses en vigueur lors de la conclusion du contrat ne tiennent plus ou beaucoup moins. Pouvez-vous adapter le prix convenu?

Une clause de révision des prix est une disposition que vous pouvez faire figurer dans un contrat, car elle décrit un mécanisme permettant d’adapter le prix convenu dans des conditions déterminées. Une clause de révision des prix de ce type est parfaite. Toutefois, vous devez tenir compte d’une série de conditions préalables. Par exemple, il faut pouvoir déterminer le nouveau prix sur la base du mécanisme prévu sans qu’il soit nécessaire de conclure un nouvel accord entre les parties contractantes. En d’autres termes, il faut que le nouveau prix puisse être déterminé à l’aide des principes convenus sans avoir besoin de l’accord de l’autre partie.

Si le prix ne peut pas être déterminé de manière transparente sur la base de la clause de révision des prix, cela peut entraîner sa nullité. Cela implique que la clause sera réputée non écrite. En bref : vous ne pourrez pas compter sur elle en cas de besoin.

 

2. Loi de redressement

Vous devez en outre aussi tenir compte de la Loi relative aux mesures de redressement économique du 30 mars 1976. Elle est toujours étonnamment actuelle malgré ses nombreuses années au compteur. Cette loi prévoit que toute clause de révision des prix liée à l’indice des prix à la consommation ou à tout autre indice est nulle et non avenue de plein droit. Ensuite, la loi précise que la clause de révision des prix ne peut modifier qu’un montant de maximum 80 % du prix final et doit en outre être liée à des paramètres objectifs représentant les coûts réels.

 

3. Nouvelle loi B2B

La nouvelle loi B2B est entrée en vigueur le 1er décembre 2020. La manière dont le législateur intervient désormais dans les relations commerciales entre entreprises a déjà fait couler beaucoup d’encre. Après tout, la loi restreint la liberté contractuelle dans les relations entre entreprises.

Cette loi est particulièrement pertinente, plus spécifiquement en ce qui concerne les révisions de prix dans les contrats.

Dans le cadre de cette nouvelle loi B2B, il est interdit de modifier unilatéralement les prix, les caractéristiques ou les conditions du contrat sans raison valable. La possibilité de réviser les prix doit donc être liée de manière transparente à des paramètres objectifs : augmentation des prix des matières premières, hausse des coûts de transport…

Ici aussi, votre entreprise doit être particulièrement attentive. La nouvelle loi B2B s’applique en effet à tous les contrats conclus, prolongés ou modifiés après le 1.12.2020. Les nouveaux clients professionnels qui ont reçu vos conditions générales ou contrats, offres, etc. pour la première fois après cette date, peuvent donc également s’appuyer sur la nouvelle loi.

 

4. Conseils & astuces

Vous êtes déconcerté, nous le comprenons ? C’est pour cette raison que nous souhaitons vous fournir quelques lignes directrices pour la rédaction de la clause de révision des prix.

  • Déterminez clairement dans le contrat quand le prix peut être révisé (tous les mois, à l’anniversaire du contrat, chaque fois qu’une augmentation des prix se produit…)
  • Soyez transparent: citez les paramètres objectifs qui peuvent influencer le prix et donc déclencher une révision des prix.
  • Indiquez comment vous devez informer l’autre partie au contrat de votre intention de réviser les prix (par lettre recommandée, e-mail…)
  • Indiquez également la date à partir de laquelle les prix modifiés prendront effet.
  • Créez de la clarté: quelles seront les commandes affectées par ces nouveaux prix? Attention! Les commandes confirmées constituent la base du contrat, vous ne pouvez donc pas modifier unilatéralement les prix convenus.
  • Prévoyez des options: vous pouvez prévoir la possibilité de résilier l’accord en l’absence d’accord sur les nouveaux prix.

L’insertion d’une clause de révision des prix correcte tenant compte de toutes les limitations légales est un travail sur mesure. Investissez de ce fait dans de bons accords. Si la clause ne respecte pas ces principes, elle risque d’être déclarée nulle et non avenue et vous serez de retour à la case départ.

 

II. Force majeure?

Quand vous avez prévu une clause de révision des prix dans votre contrat avec le client/fournisseur, d’autres mécanismes peuvent encore vous apporter le salut.

La force majeure est un concept bien connu. Selon la jurisprudence dominante en cassation, la « force majeure » est définie comme un événement qui constitue un obstacle insurmontable à l’exécution d’une obligation et indépendant de la volonté de la partie qui l’invoque.

Pour pouvoir parler de force majeure, vous devez donc vous trouver dans l’impossibilité absolue de livrer les produits ou services convenus.

Si la hausse des prix est telle qu’il n’est économiquement pas possible pour vous, en tant qu’entreprise, de continuer à livrer aux prix convenus, il ne s’agit pas à proprement parler d’un cas de force majeure. Vous pouvez en effet tenir vos promesses même si votre marge est complètement comprimée.

L’impossibilité de remplir une obligation de paiement en raison de circonstances économiques ne sera pas non plus considérée comme une force majeure.

 

III. Clause de hardship?

Alors que la force majeure exige une impossibilité absolue d’exécuter le contrat (temporairement ou non), on parle de difficultés exceptionnelles (hardship) ou d’imprévision lorsqu’il n’est pas devenu impossible, mais extrêmement difficile de remplir les obligations contractuelles.

Si, par exemple, le prix de l’acier augmente de 70 %, il n’est évidemment pas impossible pour un fournisseur d’acier de livrer dans le cadre du contrat de vente, mais son respect devient extrêmement difficile et/ou économiquement douloureux.

Le terme « hardship» signifie donc : une situation imprévisible qui crée un déséquilibre tellement grave entre les parties contractantes que la poursuite de l’exécution du contrat dans des conditions inchangées serait extrêmement désavantageuse pour l’une des parties contractantes.

Une note importante à ce propos est que la théorie de l’imprévision n’est traditionnellement pas acceptée en droit belge. Naturellement, vous pouvez prévoir une clause qui règle aussi le hardship et ses conséquences.

Ce qui est de plus en plus admis dans la jurisprudence belge, c’est que lorsque l’équilibre contractuel entre les parties est perturbé par des circonstances extérieures (par exemple, une hausse extrême des prix, une grande pénurie), les parties contractantes sont tenues de renégocier les accords de bonne foi, en tenant compte de la nouvelle réalité. Cette obligation découle de l’obligation légale d’exécuter un contrat de bonne foi (article 1134, paragraphe 3 du Code civil). Dans la pratique, cependant, cela ne fournira que très rarement une solution et n’apporte aucune sécurité. Nous vous recommandons donc d’inclure aussi ce principe dans vos conditions générales ou contrats (si vous êtes le vendeur).

 

Marchés publics

Lorsque votre entreprise soumissionne pour un marché public, le cahier des charges du pouvoir adjudicateur vous sert de bible. Votre entreprise s’engage envers les autorités publiques par son offre à réaliser le marché aux conditions proposées dans votre offre. Une fois que le marché public est attribué à votre entreprise sur la base de cette offre, le devis, l’offre et la réglementation des marchés publics forment le cadre contractuel de la collaboration.

Vos propres conditions générales ne s’appliqueront donc pas à l’exécution d’un marché public.

L’Arrêté royal établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics du 14 janvier 2013 (« AR RGE » fixe les lignes de collaboration entre le pouvoir adjudicateur et le contractant et ne laisse que peu ou pas de place à la négociation.

Que se passe-t-il si, au cours de l’exécution d’un marché public, vous êtes confronté à d’énormes augmentations de prix qui rendent pratiquement impossible l’exécution du marché public dans les conditions que vous avez proposées dans votre offre?

Nous nous concentrons sur les options offertes par la législation sur les marchés publics pour relever les défis qui dominent aujourd’hui le marché également lors de l’exécution des contrats publics.

 

1. Révision des prix

En vertu de la réglementation des marchés publics, une révision de prix est considérée comme une modification du contrat et n’est en outre possible que si les documents contractuels (le cahier des charges) prévoient explicitement une clause de révision de prix.

L’article 38/7de l’AR RGE stipule que pour les marchés publics de travaux, il est en principe obligatoire d’inclure une clause de révision des prix dans le cahier des charges; pour les fournitures et les services, elle est facultative. Les paramètres utilisés pour calculer la révision des prix sont également définis légalement: salaires horaires du personnel, charges sociales, prix des matériaux, prix des matières premières ou taux de change.

Si une clause de révision des prix s’applique au marché public en cours, elle est en principe automatiquement appliquée aux états d’avancement. Veuillez noter que la clause de révision des prix peut également jouer en votre défaveur. Si les paramètres fixés entraînent une baisse du prix, vous serez également lié par ces paramètres en tant qu’entrepreneur.

 

2. Circonstances imprévisibles

Que faire si vous exécutez un marché public de services ou de fourniture et que le cahier des charges ne prévoit pas de clause de révision facultative des prix?

Eh bien, l’AR RGE prévoit alors une issue possible: le règlement sur les circonstances imprévisibles de l’article 38/9 de l’AR RGE. Ce règlement est considéré comme un ancrage juridique de la doctrine de l’imprévision susmentionnée. Cependant, la finalité du règlement dans le cadre du droit des marchés publics est différente: l’objectif est d’assurer la continuité du service public.

Même si les documents du marché public ne prévoient pas de clause de révision, le règlement légal de l’article 38/9 de l’AR RGE s’applique.

 

I. Conditions d’application

Plus concrètement, le règlement sur les circonstances imprévisibles crée la possibilité pour l’entrepreneur de demander une compensation, si:

  1. Il est question d’une circonstance qui ne pouvait raisonnablement être prévue lors de l’introduction de la soumission; et
  2. la circonstance invoquée ne pouvait pas être évitée et les conséquences ne pouvaient pas être corrigées bien que l’entrepreneur ait fait tout ce qui était nécessaire.

 

II. Conséquences

Le succès du recours aux « circonstances imprévisibles » lors de l’exécution d’un marché public serait alors:

  1. de permettre à votre entreprise de prétendre à une prolongation du délai d’exécution;
  2. En outre, si vous prouvez que vous subissez un désavantage très important en raison de la modification des conditions du marché, vous pouvez également demander une autre forme de révision du marché public, comme le rétablissement de l’équilibre contractuel (et la possibilité de répercuter (totalement/partiellement) une augmentation de prix) ou même l’annulation du marché public.

Le seuil à partir duquel on peut parler de « désavantage très important » a également été fixé dans l’AR RGE. En outre, une distinction est faite ici entre les marchés publics de travaux, d’une part, et les marchés publics de fournitures et de services, d’autre part. Plus précisément, vous pouvez parler d’un désavantage très important en tant qu’entrepreneur si:

  • marchés de travaux: la pénalité est d’au moins 2,5 % du montant initial du marché ou d’un montant seuil fixe si le marché a été attribué pour 50 % sur la base du prix (175 000 euros pour les marchés dont le montant initial est supérieur à 7 500 000 euros et inférieur ou égal à 15 000 000 euros; 225 000 euros pour les marchés dont le montant initial est supérieur à 15 000 000 euros et inférieur ou égal à 30 000 000 euros; 300 000 euros pour les marchés dont le montant initial est supérieur à 30 000 000 euros)
  • marchés de fournitures et de services: le désavantage doit être d’au moins 15 % du montant initial du contrat.

 

III. Procédure

Si votre entreprise est active sur le marché public, vous savez probablement que l’exécution d’un marché public implique une certaine administration et des formalités.

Il en va de même lorsque l’entrepreneur invoque des « circonstances imprévisibles ». En tant qu’entrepreneur, vous devez informer le pouvoir adjudicateur dans les 30 jours suivant la survenue de la circonstance imprévisible, au moyen d’un exposé des faits. Dans la même lettre au pouvoir adjudicateur, vous pouvez également encadrer la révision demandée du contrat.

 

Comme vous pouvez le constater, il existe de nombreuses façons d’anticiper et de réagir aux conditions imprévues du marché de manière correcte et transparente dans le cadre d’une relation commerciale et contractuelle ainsi que dans le cadre d’un marché public.

Bien entendu, l’enregistrement et l’application corrects du cadre contractuel de votre entreprise sont un travail sur mesure. Les clauses standard ne sont souvent pas adaptées aux besoins de votre entreprise. En outre, nous constatons souvent qu’il est préférable que même les contrats bien pensés soient réévalués dans cette ère suivant la pandémie du Covid-19.

Le cabinet Monard et son équipe de spécialistes sont prêts à répondre à toutes vos questions sur les conditions générales, les contrats et les marchés publics. N’hésitez donc pas à nous contacter pour un premier aperçu sans engagement.

 

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