Une ordonnance bruxelloise accorde une attention particulière à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et à la lutte contre la discrimination sur le marché du logement

Le 9 juin 2022, la Région de Bruxelles-Capitale a adopté une ordonnance visant à offrir une protection supplémentaire aux locataires (résidentiels) en matière d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et de lutte contre la discrimination (l’« ordonnance »). Par cette ordonnance, la Région de Bruxelles-Capitale transpose, spécifiquement dans le secteur de la location, la directive européenne du 13 décembre 2004 (2004/113/CE) mettant en œuvre le principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services. Les dispositions de l’ordonnance sont intégrées dans le Code bruxellois du Logement existant du 17 juillet 2003.

L’ordonnance protège davantage le locataire sur le marché locatif résidentiel bruxellois sur cinq plans : 1) l’élargissement du champ d’application de la lutte contre la discrimination, 2) les tests de discrimination proactifs, 3) l’élargissement de la liste des critères protégés, 4) l’introduction de deux nouvelles formes de discrimination interdites, et 5) une plus grande clarté quant aux informations pouvant être demandées au locataire et au moment où celles-ci peuvent être demandées.

A l’exception de l’article 11, qui concerne les informations pouvant être demandées au locataire et qui entre en vigueur le 20 mars 2023, l’ordonnance est entrée en vigueur le 30 septembre 2022.

 

1. Élargissement du champ d’application

Le Code bruxellois du Logement comporte un titre distinct protégeant les candidats locataires contre la discrimination dans l’accès au logement. La nouvelle ordonnance étend le champ d’application de ce titre à toute la durée du contrat de location et ne le limite plus à la période de la recherche d’un logement. Le locataire continue donc à être protégé contre la discrimination si sa situation change pendant la durée de la location.

 

2. Tests de discrimination proactifs

En décembre 2018, le Parlement bruxellois a introduit la possibilité pour les inspecteurs de Bruxelles Logement d’avoir recours à des tests de discrimination pour détecter et constater les cas de discrimination illégale sur le marché de la location résidentielle et d’imposer des sanctions. Ces tests pouvaient prendre la forme de visites de clients mystères, afin de comparer la manière dont le propriétaire traitait deux candidats locataires similaires, mais dont l’un relevait d’un critère protégé, comme un candidat en situation de handicap et un candidat valide. Dans la pratique, ces tests n’ont pas donné le résultat escompté. La détection était strictement encadrée par trois conditions cumulatives, qui entravaient la mise en évidence de situations de discrimination illégale : i) l’existence d’une plainte ou d’un signalement préalable de discrimination, ii) la présence d’indices sérieux de discrimination et iii) l’interdiction de provoquer.

L’ordonnance assouplit les critères applicables aux tests de discrimination. La Direction de l’Inspection régionale du Logement peut effectuer des tests de discrimination de sa propre initiative et de manière proactive, même en l’absence de plainte, de notification préalable ou d’indice sérieux de discrimination. La provocation reste toutefois interdite.

En outre, la Direction de l’Inspection régionale du Logement est habilitée à confier ces tests de discrimination à des acteurs ou à des associations agréées.

 

3. Élargissement de la liste des critères protégés

Le Code bruxellois du Logement considère qu’il y a discrimination lorsqu’une distinction (directe ou indirecte) est opérée sur la base d’un ou plusieurs critères protégés, sans que cette distinction puisse être objectivement justifiée. Les critères protégés sont notamment le sexe, la race, la couleur de peau, l’origine nationale ou ethnique, l’âge, les convictions politiques, l’état de santé.

L’ordonnance introduit un certain nombre de critères protégés supplémentaires, à savoir le statut de séjour, la conviction syndicale, les responsabilités familiales, l’adoption, la coparentalité et la paternité.

Ainsi, une personne titulaire d’un permis de séjour temporaire pourrait faire l’objet d’une discrimination sur le marché de la location résidentielle si un logement lui est refusé, à moins que la différence de traitement ne soit justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but sont appropriés et nécessaires.

L’ordonnance ne précise pas ce qui constitue un but légitime. Le projet d’ordonnance donne néanmoins quelques exemples de but légitime admissibles, tels que la volonté de prévenir la surpopulation du logement ou le fait s’assurer que les ressources financières du ménage sont suffisantes pour garantir le paiement du loyer.

L’ordonnance ajoute en outre que la discrimination fondée sur la procréation médicale assistée, l’allaitement, l’identité de genre, l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles est assimilée à une discrimination fondée sur le sexe.

L’ordonnance ne prévoit qu’un seul cas dans lequel une différence de traitement est justifiée. Une discrimination directe fondée sur le sexe ne constitue pas une discrimination si la fourniture de biens et de services exclusivement ou essentiellement destinés aux membres d’un sexe est objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but sont appropriés et nécessaires.

 

4. Le harcèlement sexuel et le refus d’aménagement raisonnable constituent de nouvelles formes de discrimination directe

Outre la discrimination directe et indirecte et l’injonction de discriminer ou d’intimider, le harcèlement sexuel et le refus d’aménagement raisonnable constituent désormais deux nouvelles formes de discrimination.

Il est question de harcèlement sexuel en cas de comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un environnement intimidant, hostile, humiliant, dégradant ou offensant est créé.

La discrimination inclut désormais la situation dans laquelle une personne porteuse d’un handicap se voit refuser un logement après avoir demandé des aménagements raisonnables pour lui permettre d’accéder au logement, comme l’installation d’une barre de douche. Le refus de procéder à des aménagements ne constitue pas une discrimination si l’aménagement impose une charge disproportionnée au propriétaire.

 

5. Clarification des informations pouvant être demandées et du moment auquel elles peuvent l’être

L’ordonnance clarifie les informations qu’un bailleur ou un agent immobilier peut demander au candidat locataire et le moment auquel ces informations peuvent être demandées.

  • Avant la visite, seuls le nom et un moyen de communication avec le candidat locataire peuvent être demandés.
  • Après la visite et à l’appui de la candidature, il est permis de demander le montant des ressources financières dont dispose le preneur et le nombre de personnes qui composent le ménage pour vérifier que le bien loué est approprié au vu de sa surface.
  • En vue de la rédaction et de la conclusion d’un contrat de bail, le bailleur ou l’agent immobilier peut demander des informations concernant l’état civil et tout document officiel permettant d’attester l’identité du preneur et sa capacité de contracter.

Le bailleur ou l’agent immobilier peut donc toujours effectuer une sélection sur la base des moyens financiers, mais uniquement lorsque les locataires ont visité le logement.

 

6. Sanctions

Lorsque la Direction de l’Inspection régionale du Logement constate une forme de discrimination (que ce soit ou non dans le cadre d’un test de discrimination), le procès-verbal de l’infraction est transmis au procureur du Roi, si la discrimination est susceptible de constituer aussi une infraction pénale. Le procureur du Roi décide de poursuivre ou non le bailleur ou l’agent  immobilier. Si le bailleur ou l’agent immobilier n’est pas poursuivi pénalement, une amende administrative de 125 à 6.200 euros peut lui être infligée.

 

 

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