Am I the only one? Une nouvelle législation limite la clause d’exclusivité

 « Le travailleur s’engage à consacrer toutes ses heures de travail et ses capacités professionnelles à l’exercice de sa fonction. Par conséquent, sauf accord préalable écrit de l’entreprise, il lui est interdit d’accepter une autre fonction ou occupation, rémunérée ou non, dans une autre entreprise, pendant toute la durée du présent contrat ».

 

Dans le passé, de telles clauses étaient monnaie courante dans les contrats de travail. Depuis le 10 novembre 2022, la loi relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles rend impossible l’imposition d’une telle contrainte telle quelle. Dans le cadre du respect de la liberté de travail, le législateur autorise, dans une certaine mesure, les travailleurs à combiner plusieurs emplois. Il ne s’agit néanmoins pas d’une liberté inconditionnelle, de sorte qu’en tant qu’employeur, il vous est encore loisible d’intégrer une clause d’exclusivité dans un contrat de travail, mais dans le respect de la nouvelle législation.

1.    Cadre législatif

Le 31 octobre 2022, la loi du 7 octobre 2022 « transposant partiellement la Directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne » a été publiée au Moniteur belge. Cette « loi relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles », entrée en vigueur le 10 novembre 2022, a également mis les points sur les i concernant les clauses d’exclusivité et a tenu compte du désir de certains travailleurs de combiner plusieurs emplois.

 

2.     Une clause d’exclusivité n’est pas l’autre

À l’heure actuelle, si son contrat ne prévoit pas de clause d’exclusivité, il n’est pas interdit à un travailleur d’exercer une activité non-concurrente en dehors de ses heures de travail. Il ne lui est pas non plus (en principe) interdit de préparer une activité concurrente, par exemple en demandant déjà un numéro auprès de la BCE en vue de se lancer dans une activité indépendante. Toutefois, même à défaut d’une clause d’exclusivité, il ne peut exercer des activités qui constituent une concurrence effective.

Si une clause d’exclusivité figure dans son contrat, il pouvait aussi lui être interdit dans le passé d’exercer une activité non-concurrente, même en dehors de son temps de travail. Dans cette forme la plus stricte, une clause d’exclusivité pouvait contraindre le travailleur à mettre toute sa capacité de travail exclusivement à la disposition de son employeur pendant toute la durée de son contrat de travail et à n’exercer aucune autre activité professionnelle, concurrente ou non, en tant qu’indépendant ou salarié, même après son temps de travail. La jurisprudence divergeait quant à la validité de telles clauses d’exclusivité absolues.

Il y a naturellement des gradations. Dans une forme plus modérée, l’exclusivité pouvait prévoir que le travailleur s’abstiendrait d’exercer toute activité concurrente pendant la durée de son contrat de travail. Cette clause d’exclusivité relative n’est en fin de compte qu’une traduction contractuelle de l’article 17, 3, b de la loi relative aux contrats de travail.

 

3.     Droit de principe à occuper plusieurs emplois

L’article 20 de la loi relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles énonce que « l’employeur ne peut pas interdire à un travailleur de travailler pour un ou plusieurs autres employeurs en dehors de son horaire de travail ou le soumettre, pour cette raison, à un traitement défavorable, sauf si la législation le permet ».

En principe, la Belgique connaît la liberté de travail, inscrite depuis la Révolution française dans le décret d’Allarde. Cette règle est défendue dans l’article 20, par laquelle l’employeur renonce à la clause d’exclusivité absolue et opte résolument pour sa variante relative.

4.     Exceptions

En principe, les travailleurs ont donc le droit de travailler à temps partiel pour différents employeurs. Le salarié n’est néanmoins pas entièrement libre de proposer ses services à n’importe quel autre employeur.

Les limitations à la liberté du travailleur l’empêchent, d’une part, d’exercer des activités concurrentes ou de poser des actes de concurrence déloyale et, d’autre part, de faire usage dans le cadre de son deuxième emploi des secrets d’affaires ou des secrets dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa première fonction.

 

5.     Clause d’exclusivité 2.0.

Par conséquent, les possibilités de stipuler une clause d’exclusivité avec un travailleur sont limitées, mais il n’en est pas pour autant plus désirable de prévoir une telle cause (dans une version adaptée). Au contraire.

Premièrement, il peut aussi être interdit d’aller travailler chez un concurrent en vertu de la nouvelle législation, même s’il s’agit d’une concurrence loyale. L’employeur peut parfaitement prévoir ce principe dans le contrat de travail et indiquer explicitement que toute infraction à cette disposition peut entraîner le licenciement pour motif impérieux et/ou une indemnisation forfaitaire.

Deuxièmement, vous avez également tout intérêt à spécifier les règles du jeu dans le contrat de travail en ce qui concerne les activités accessoires non concurrentes. En effet, la loi n’interdit pas à l’employeur d’imposer au travailleur de l’informer au préalable de ses activités complémentaires. De la sorte, l’employeur a la possibilité d’apprécier si l’activité en question risque de lui faire de la concurrence ou de donner lieu à la divulgation de secrets d’affaires.

En ce qui concerne les activités accessoires en tant qu’indépendant, même non concurrentes, on peut estimer que l’article 20 ne s’applique pas étant donné que celui-ci dispose que l’employeur ne peut pas interdire au travailleur de travailler « pour d’autres employeurs », mais il peut donc lui interdire de travailler pour lui-même. La jurisprudence devra néanmoins en décider.

 

6.     Interdiction de traitement défavorable

À titre d’illustration, prenons le cas d’un travailleur occupé à temps partiel. Vous ne pouvez plus lui interdire d’exercer un autre emploi en dehors de son horaire à temps partiel, sauf s’il s’agit d’une activité concurrente. Un spécialiste IT ne peut pas travailler à temps partiel pour la société IT X et à temps partiel pour la société IT Y, mais il peut donner des cours.

Ce travailleur ne peut être traité de manière plus défavorable parce qu’il exerce plusieurs emplois. L’employeur ne peut le licencier ni ne peut prendre des mesures pour préparer un licenciement pour ce motif. Si le travailleur parvient à démontrer le traitement défavorable, il peut réclamer une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de rémunération brute.

 

7.     Vérifiez vos contrats de travail et votre règlement de travail

En résumé, il n’est plus possible d’intégrer dans un contrat de travail une clause d’exclusivité pure et simple. Nous conseillons d’y faire figurer une clause adaptée, interdisant les activités accessoires concurrentes et soumettant les activités non concurrentes aux limitations requises et à une obligation de communication.

Devez-vous remplacer ou supprimer toutes les clauses d’exclusivité existantes ? Non, selon la nouvelle loi, elles sont uniquement (en partie) non exécutoires. Dès lors, si un travailleur exerce une activité non concurrente après ses heures de travail alors que son contrat prévoit une clause d’exclusivité absolue, la violation de la disposition ne peut plus justifier un licenciement pour motif impérieux.

Ce n’est pas tout. Le législateur a également prévu une sanction pénale de niveau 2 en cas d’infraction à l’article 20. L’employeur risque une amende pénale de 400 à 4000 euros ou une amende administrative de 200 à 2000 euros s’il impose malgré tout une clause d’exclusivité absolue.

Il est naturellement déconseillé de faire figurer de telles clauses invalides dans les nouveaux contrats. Nous pouvons vous en fournir une version adaptée. Dans tous les cas, il est toujours conseillé de procéder à un contrôle global de vos contrats de travail et de vos règlements de travail, vu le flux de nouvelles lois sociales adoptées au cours des mois derniers.

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