Curieux de connaître les intentions de la Cour de cassation dans ce dossier où la saisie des agendas de l’ancien président de la République faisait débat, M. Sarkozy et son avocat cherchaient à obtenir des informations auprès du premier avocat général à la Cour de cassation. Lors d’écoutes, M. Sarkozy aurait assuré qu’il pouvait intervenir en faveur de ce haut magistrat, qui souhaitait postuler un poste de conseiller d’État à Monaco.
Ces conversations téléphoniques entraînèrent l’ouverture d’une information judiciaire contre M. Sarkozy, son avocat et le haut magistrat. Lors de l’instruction, la question de la régularité des écoutes téléphoniques fut débattue.
La Cour de cassation avait déjà pris une position
Par arrêt du 22 mars 2016, la Cour de cassation de France a décidé que l’écoute téléphonique d’un avocat était autorisée dans la mesure où les propos, seraient-ils échangés avec un client habituel, dont le contenu est étranger à tout exercice des droits de la défense dans ladite procédure ou dans toute autre, révélaient des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale, tels que les avait analysés, en l’espèce, sans insuffisance, ni contradiction, la chambre de l’instruction.
La régularité des interceptions était acquise. Cette position n’est pas critiquable. Le secret professionnel de l’avocat ne peut être le paravent de délits, à les supposer établis.
Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré les 3 prévenus coupables notamment de trafic d’influence et de corruption.
Ce jugement apporte des précisions intéressantes sur la problématique des interceptions téléphoniques d’un client avec un avocat.
Les enregistrements téléphoniques entre le client et son avocat sont-ils constitutifs d’infractions ?
Pour le tribunal parisien, la retranscription des 21 conversations n’est pas une atteinte disproportionnée au droit à la protection de la vie privée de M. Sarkozy, dès lors qu’elle vise un objectif légitime, à savoir prévenir les infractions pénales et qu’elle est encadrée par des règles procédurales précises.
Le tribunal rappelle que le secret de l’avocat constitue la base de la relation entre un avocat et son client et qu’il ne peut se concevoir sans la confidentialité qui génère la confiance indispensable du client et la liberté dans la défense des intérêts. S’il est une garantie primordiale du procès équitable, il n’est pas intangible. La protection des droits de la défense exclut que les conversations tenues entre l’avocat et M. Sarkozy retranscrites puissent être retenues comme moyen de preuve, sauf si leur contenu est de nature à faire présumer la participation du premier à une infraction, qu’il s’agisse de celle faisant l’objet de l’information concernée ou d’une infraction distincte.
Après avoir analysé chacune des retranscriptions des communications contestées, le tribunal en écarte deux comme étant dénuées de toute force probante. En revanche, toutes les autres sont retenues, dans la mesure où elles contiendraient intrinsèquement des indices de participation à des infractions de l’avocat (violation du secret professionnel, trafic d’influence…) et non de l’élaboration d’une stratégie de défense ou d’une consultation juridique.
Puis, s’inspirant d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 16 juin 2016, le tribunal précise que les propos transcrits entre un client et son avocat par exception au principe de confidentialité de leurs échanges ne doivent pas altérer les droits de la défense du client et être utilisés contre lui dans la procédure dont il est l’objet.
L’arrêt de la Cour de cassation de France du 18 décembre 2024
Par arrêt du 17 mai 2023, la Cour d’appel de Paris a condamné les trois prévenus du chef notamment de corruption de magistrat et de trafic d’influence.
La juridiction d’appel a dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les transcriptions des conversations téléphoniques litigieuses et les facturations détaillées du téléphone de l’avocat, ni d’écarter ou de s’interdire d’utiliser les conversations échangées entre le client et l’avocat.
Les pourvois formés par les prévenus ont été rejetés par la Cour de cassation, par arrêt du 18 décembre 2024.
En ce qui concerne les moyens invoqués par les demandeurs quant à la violation du secret professionnel de l’avocat, la Cour de cassation les a déclarés infondés et a validé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.
En effet, dès lors qu’elles n’ont pas été annulées, les transcriptions sont des pièces de procédure qui ne peuvent être écartées des débats.
En tout état de cause, selon la Cour européenne des droits de l’homme, un juge peut tenir compte des écoutes, de conversations téléphoniques entre un avocat et son client, si deux conditions sont remplies.
Le contenu des conversations téléphoniques :
- Doit laisser penser que l’avocat a participé à une infraction pénale ;
- Ne doit pas révéler d’informations pouvant nuire à la défense de son client.
Dans cette affaire, ceux deux conditions étaient réunies.
Un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme a été annoncé par les prévenus.