Quand la vigilance change de camp
Nous vérifions la monnaie rendue au marché, nous comptons les billets reçus du commerçant, nous sommes vigilants lorsque nous effectuons un paiement en espèce. Devant un écran, face à la simplicité du numérique, l’attention s’évapore comme neige au soleil.
Pourtant cette inattention ne pardonne pas.
Une plainte tardive contre la banque
Le Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a récemment jugé que le client d’une banque se doit d’être vigilant et de relever régulièrement ses extraits de compte. Dans l’éventualité où il remarquerait une éventuelle opération anormale ou non autorisée, il se doit de la contester rapidement.
Un consommateur s’étant vu escroquer par des placements fictifs décide de se retourner contre sa banque. Après plusieurs années – sans doute après avoir tenté la voie policière qui a été classée sans suite ou face à un escroc insolvable – il accuse la banque d’avoir commis une faute. Pour ce consommateur, la banque aurait du détecter la fraude et aurait dû réaliser en voyant les virement répétitifs et douteux qu’il s’agissait d’une escroquerie.
Cette théorie de la négligence bancaire se heurte pourtant à une réalité juridique bien ancrée.
Voir, surveiller, mais ne pas s’immiscer
L’on pourrait en effet croire qu’il revient au banquier d’être vigilant concernant les mouvements d’argent qui sont effectués sur les comptes de ses clients. Tel n’est cependant pas réellement le cas en pratique. Certes le banquier a le devoir d’être attentif aux intérêts dont il a la charge et a pour devoir de déceler les anomalies apparentes parmi les opérations qu’on lui demande de traiter. Cependant, il ne pourra pas voir sa responsabilité engagée si l’anomalie n’est pas apparente. Dès lors, c’est la victime qui en supportera les conséquences.
L’obligation de vigilance de la banque connaît deux tempéraments.
Le premier est qu’elle est limitée aux seules irrégularités et anomalies qui sont évidentes. Le caractère évident est soumis à une interprétation arbitraire. Le second tempérament est que la banque ne peut s’immiscer dans les affaires de ses clients. Autrement dit, le banquier n’a pas à se substituer à son client.
Dans un arrêt du 3 avril 2025, la Cour d’appel de Paris a précisé que la banque ne doit pas investiguer sur l’origine et l’importance des fonds versés sur les comptes du client ni s’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, si les opérations ont une apparence de régularité.
Il est de jurisprudence constante que la banque doit exécuter le virement conformément à l’IBAN. Ainsi, une discordance entre le nom du destinataire et le nom du propriétaire de l’IBAN n’a pas d’influence. Peu importe que le virement soit adressé à une personne dénommée et que le compte appartienne à un tiers : l’IBAN prime et l’argent ira irrémédiablement vers le compte de l’escroc. A partir du moment où le client renseigne un numéro IBAN et signe le virement avec son lecteur de carte, le code de son application bancaire, la reconnaissance faciale de son téléphone ou encore l’application ItsMe, le virement est en principe considéré comme étant autorisé, et irrévocable.
La responsabilité du client, un principe logique
Le client de la banque est responsable des virements qu’il effectue et qu’il signe avec son boitier, son application ou avec ItsMe. Cela se conçoit aisément lorsque l’on sait que plusieurs centaines de millions de virements sont effectués chaque jour. Peut-on raisonnablement attendre des banques qu’elles consultent chaque virement, scrutent toute opération ? Non, la sécurité commence par l’utilisateur.
Le client est responsable de son argent. Il doit se comporter avec le même degré de vigilance lorsqu’il effectue un virement en ligne que lorsqu’il effectue un paiement en liquide.
Cet article a été publié à l’origine sur le site https://www.lecho.be/