Cette base de données obscure continue de faire la une de l’actualité, notamment pour son utilisation illicite par les forces de l’ordre qui la consultent parfois en toute illégalité. Dans un rapport alarmant, l’organe de contrôle (COC) met en lumière l’existence de consultations illégales de ces banques de données par les forces de l’ordre.
Une opacité contraire à la réglementation européenne
Initiée par une simple directive ministérielle en 2002 à la suite de l’affaire Dutroux, cette base de données a fini par faire l’objet d’une première loi en 2014. La loi du 30 juillet 2018 intégrant notamment les principes issus du Règlement sur les protections des données dans l’ordre juridique belge prévoit entre autres la création d’un organe de contrôle. Ainsi, l’organe de contrôle de l’information policière (COC) est chargé notamment de recueillir les requêtes de citoyens portant sur les bases de données policières et de mener des enquêtes sur leur utilisation.
La justice européenne a rappelé la Belgique à l’ordre en indiquant par un arrêt du 16 novembre 2023 que l’on ne peut tolérer que les citoyens belges soient fichés sans disposer d’un accès direct à ces bases de données policières ni d’aucun recours lorsque l’accès leur est refusé.
Dans cette affaire, un citoyen belge s’était vu refuser une attestation de sécurité nécessaire à l’obtention d’un emploi. Il était fiché pour sa participation à dix manifestations au cours desquelles il n’a jamais été poursuivi ni arrêté. Il voulait accéder aux bases de données de la police pour savoir exactement ce qui justifiait son fichage et vérifier la véracité des informations détenues et conservées.
La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que la loi du 30 juillet 2018 était contraire à la règlementation européenne. D’abord, la Cour a considéré que le système belge qui ne permet l’accès aux données que par l’intermédiaire d’une demande formulée auprès de l’organe de contrôle était contraire à la règle de l’accès direct à ses données auprès du responsable du traitement. Ensuite, la Cour a estimé que l’absence de recours face à une décision de l’organe de contrôle quand il refuse l’accès aux bases de données policières, était contraire à la réglementation européenne.
Une nouvelle intervention du législateur s’impose
Actuellement, la loi du 30 juillet 2018 – et en particulier son article 42 – ne protège pas assez les citoyens en matière de traitement de données personnelles. Plus particulièrement, elle n’octroie qu’une protection particulièrement limitée et prive la personne condamnée, et de manière plus large, la personne « connue » des services de police, de tout recours lui permettant de connaitre et de faire corriger des données susceptibles de nuire à son avenir, alors même qu’elle dispose d’un casier judiciaire vierge. Le législateur belge doit intervenir afin de se conformer à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Près d’un an et demi après cet arrêt, aucune réforme législative ne semble se profiler.
Conclusion
Au-delà de l’accès du citoyen à ses données, le fichage de masse des citoyens belges dans des bases de données policières opaques pose question. Si la sécurité doit permettre une récolte ciblée d’informations, elle ne justifie pas tout et certainement pas la collecte massive de données. Gageons que l’État belge saisisse l’occasion qui lui est donnée pour revoir en profondeur sa copie. Il en va de l’État de droit et de l’avenir de nos libertés.